Une lueur au bout du tunnel ?

Je viens de lire une newsletter de Spoune sur le sujet « quatre raisons pour lesquelles les femmes investissent moins« . Ce n’est pas le premier article ou la première newsletter que je lis sur ce sujet. Et quasiment jamais, je n’y trouve « ma » raison principale. Alors voici une partie de la réponse que je leur ai envoyée :

« C’est marrant, dans les « Top x des raisons pourquoi les femmes n’investissent pas » (ou titre similaire, remplacer « investir » par « gagner de l’argent », « épargner » …), je vois rarement la mienne : je ne savais tout simplement pas qu’il « fallait » investir ou épargner.

Mes parents (surtout ma mère) m’ont appris compter l’argent, en tant que commerçant : les recettes en noir et les débits en rouge, par exemple. J’entendais parler de « patrimoine », c’est un mot qui n’a jamais voulu rien dire pour moi jusqu’à il y a 3 ans (et j’en ai 48). Je l’associais aux « riches », ceux qui ne comptent pas (bon, en vrai aujourd’hui je sais que c’est faux), ceux qui brassent des millions. »

Et puis je me suis laissée porter, flash-back.

Depuis que j’ai fini mes études, je travaille en tant que salariée. Depuis que je touche un salaire, je dépense tout (ou presque). Ça ne me venait pas à l’idée de « mettre de côté » pour Noël, pour les anniversaires à venir, pour les inscriptions des enfants aux activités à la rentrée, pour les vacances, … Je ne savais pas. Je ne savais pas que « épargner » ou « mettre de côté », ça voulait dire « retarder la dépense ». Que l’argent serait quand même dépensé pour les choses qui me faisaient plaisir mais plus tard, pas tout de suite. Je savais que tous les ans en janvier, j’allais galérer, parce que j’avais à peine rattrapé toutes les dépenses de la rentrée/automne qu’il y avait celles de Noël. Les vacances n’étaient pas un problème : comme on galérait à boucler les fins de mois, on ne partait pas. Et puis il fallait payer le centre de loisirs pendant les semaines qu’on travaillait, alors payer plus de 600€ un hébergement pour 1 semaine (les 2/3 du montant de mensualité de notre prêt immo, en plus de celle-ci) + les frais de déplacements et quelques loisirs, nan, mais allô !!

Quand j’ai commencé à travailler, mon premier « vrai » job, je gagnais beaucoup d’argent. Je claquais tout parce que l’argent sert à être dépensé, n’est-ce pas ? Seulement je ne savais pas que pour certaines dépenses (un apport pour de l’immo par ex), il fallait commencer par le mettre au frais qq mois/années avant de le dépenser. Je ne savais pas qu’il fallait une « épargne de précaution » : pour quoi faire ? je gagne largement de quoi subvenir à mes besoins tous les mois, et je n’ai pas l’intention de démissionner, et de toute façon je trouverai toujours un taf. Un de mes meilleurs potes de l’époque dépensait très peu, bien que très généreux. Je ne sais pas combien il avait sur son compte, mais de mémoire c’était un nombre à 5 chiffres sur son compte courant sans quoi il était au bord du malaise. Moi, les 5 chiffres, c’était mon salaire annuel.

Et puis, j’ai déménagé, changé de pays. Salaire moindre, dépenses plus élevées, même niveau de vie : je ne voyais pas pourquoi je devais l’adapter, je n’avais pas DU TOUT envie de me restreindre, de sacrifier mes sorties, mes loisirs. J’ai quand même bien dû me rendre à l’évidence et arrêter d’acheter des livres, ou réfléchir à 2 fois avant chaque dépense.

Puis congé maternité.

Quand j’ai repris le taf, mes collègues masculins (je suis dans un univers où il y a peu de femmes) avaient progressé dans leur carrière et surtout demandé et obtenu des augmentations. Normal : ils étaient des ingénieurs bac +5 dans le domaine dans lequel on exerçait, continuaient de se former techniquement. Moi et mon bac +2 en secrétariat (même si trilingue), je ne faisais pas le poids. Je n’étais pas « faite » pour ces domaines hyper techniques, je restais dans des fonctions transverses, ou de la relation client. Alors des formations sur les dernières technologies, très peu pour moi.

Au bout de 10 ans, j’ai été embauchée par le client pour lequel je travaillais, j’ai demandé 3k€ de plus que mon salaire précédent. La boîte m’a dit 2, j’ai tenu bon, j’ai eu gain de cause. Il parait que je demandais le plafond de leur grille des salaires. Et alors ?

Mon chef m’a négocié une augmentation d’environ 10% 1 an après. Je lui ai dit merci quand j’ai réalisé le pourcentage et le montant, puis remise de ma surprise. Ça réduisait clairement l’écart avec mes collègues. Depuis, je n’ai toujours pas demandé d’augmentation, contrairement à mes collègues masculins. Mon responsable m’attribuait des augmentations annuelles, dont 1,71% une fois dans le cadre de l’égalité salariale. Peut-être moins.

En début d’année, j’ai presque réussi à me motiver suffisamment pour demander une vraie augmentation. Je savais que je n’étais pas rétribuée à la hauteur de ce que j’apportais à la boîte. J’étais dans une phase où j’avais bien trop de taf, pas la tête à préparer un argumentaire, et puis j’avais postulé pour un autre poste en interne, donc pas au niveau de compétences attendu, donc pas de raison de la demander.

Et aujourd’hui, en écrivant ces lignes cette fin d’octobre 2022, je sais que je vais travailler sur un argumentaire de négociation pour échanger avec mon manager avant la fin de l’année. Sûrement plus peaufiné qu’un de mes collaborateurs qui, m’ayant demandé une augmentation, m’a répondu « je ne sais pas, au moins 5% ». 😉 Je demanderai cette augmentation d’autant plus que ma fonction prend de l’ampleur, plus et plus vite que ce que j’avais imaginé. Et que j’apporte beaucoup de valeur à mon équipe, à mon entité, à ma boîte. Et que j’ai envie, enfin ! d’aller vers cette transformation, ou plutôt de la piloter, de la mener. Je suis un petit Poucet dans le domaine, mais tout à fait capable de le faire.

Sky is the limit.

Une lueur au bout du tunnel de mes questionnements existentiels sur le sens de mon travail ?


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