Aujourd’hui j’ai 49 ans

Je viens de lire un article dans le dernier mook des Fabuleuses au foyer, enfin plusieurs, sur l’équilibre entre vie pro et vie perso.

Enfin, « l’équilibre », le mot est vite dit : à peine prononcé, et hop ! ça y est, c’est déséquilibré. Je ne sais pas si c’est une recherche constante d’équilibre, ou plutôt un ajustement permanent, selon la situation, le contexte, l’humeur, l’envie, le besoin, … C’est aussi ce que dit Sandra Fillaudeau dans un des articles.

C’est, consciemment ou non, la réflexion que je m’étais déjà faite lorsque, depuis 6-7 ans, je me suis penchée sur ces années passées à toute vitesse : vie pro, vie perso, vie « publique », vie de femme, vie de soeur, vie de fille, … tellement de casquettes !

Il en faut, du courage (tiens !*) ou de la ténacité pour maintenir le radeau à flots sans s’enliser. Et cela contre vents extérieurs (« t’en fais pas un peu trop ? », « elle se présente aux élections municipales, elle ferait mieux de s’occuper de son fils malade ») et marées intérieures (« je ne vais jamais y arriver », « allez, je ne peux pas abandonner, il y a bien une solution »).

J’ai mené ma barque pendant tant d’années avec si peu de confiance en moi, en mes compétences, en mes capacités. Je ne croyais pas le jugement positif des autres, je ne voyais pas leur regard de reconnaissance, je ne voyais que mon incompétence, mes erreurs (le « peut mieux faire » avec lequel j’ai grandi), mon absence de diplôme face à ces ingénieurs, moi qui ai tout appris « sur le tas ».

Tellement de croyances, de phrases type que j’ai conservées pendant beaucoup trop de temps, que j’ai trainées comme des fardeaux, des boulets.

Aujourd’hui, quand je regarde ce que j’ai accompli, je reconnais la force qui m’a portée et permis de le faire : apprendre un métier dont je ne savais pas qu’il existait, élever 3 enfants avec 2 ans d’écart, vivre avec une maladie grave de l’un et une épée de Damoclès pendant un an, être conseillère municipale puis devenir adjointe, être le pilier d’une équipe projet et la développer, gérer des situations professionnelles complexes et trouver le meilleur équilibre pour les clients et les équipes internes, accompagner mon père et aider ma mère dans la maladie, participer activement à la vie associative locale, le foot, le VTT, le rugby, le BMX, l’athlétisme et les compétitions qui vont avec, tenter de trouver un équilibre au sein du couple, amener mes enfants à être le plus autonomes possible et les guider dans leurs premiers pas d’une vie d’adulte (gérer l’administratif des études supérieures, la CAF, ouvrir un contrat d’eau, d’électricité, trouver une voiture, les impôts à l’étranger, …), me rendre compte que finalement j’ai des compétences réelles, donner un autre élan à ma carrière pro, gérer des déménagements dont un double à ma séparation, être présente dans la difficulté pour mes amies, me remettre en question, accepter de laisser partir, accepter de quitter, …

Je ne suis pas la première à vivre une vie « hors norme », je crois que chacun d’entre nous vit une vie « hors norme ». Les situations et difficultés sont différentes, mais la manière de les gérer, les émotions, les douleurs sont similaires. La peine ne se mesure pas à la gravité de la situation.

La seule norme est la nôtre, propre à chacun d’entre nous. J’ai souvent eu l’impression que « les autres » se débrouillaient mieux que moi. C’était sûrement vrai, parce que je le croyais, mais surtout parce qu’ils se débrouillaient là où j’étais en difficulté. De la même manière, je minimisais les marques de reconnaissance de mes pairs qui me félicitaient pour mes compétences, j’avais l’impression de n’avoir rien fait d’exceptionnel.

Mon « normal » est l’exceptionnel de l’autre. Et inversement.

J’ai 49 ans et j’entame ma 50e année avec l’assurance que je peux arriver à faire ce que j’ai envie de faire, à ma manière, avec une autre énergie que celle de mes années passées mais plus de confiance dans mes capacités.

JOYEUX ANNIVERSAIRE, CARINE !

* Lorsque mes enfants étaient petits, j’avais l’impression de passer ma vie chez le médecin. Notre médecin traitant n’était pas toujours disponible, je consultais parfois son collègue. Systématiquement, en sortant, il me serrait la main en me disant « bon courage ». Je n’avais qu’une envie : lui faire avaler son « bon courage ». Ce n’était pas de « courage » dont j’avais besoin, moi la maman-femme-collègue-amie-être humain épuisée. Et à côté de lui, mon médecin traitant ne savait comment me faire comprendre que j’avais besoin de repos, de prendre du temps pour moi pour me ressourcer sans exploser en vol.

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